Saturday, April 27th, 2024

Défis pressants en agriculture : un impératif d’action immédiate

Dans le domaine de l’agriculture au Québec, de nombreux changements doivent être opérés, et il semble que le ministre André Lamontagne en soit bien conscient. C’est pourquoi il a pris la décision de lancer une vaste consultation nationale sur les territoires et les activités agricoles. Cependant, la question qui se pose est celle du rythme auquel ces changements peuvent être réalisés.

En optant pour une discussion sur ce qui est le plus fondamental, à savoir le territoire agricole, son état, l’utilisation des terres, les propriétaires terriens et leur coût, le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation a fait un choix logique. Mais cette démarche s’inscrit dans le temps long. Avons-nous réellement ce temps ?

La réponse est non. En effet, en 2008, la commission Pronovost a proposé un plan de route pour ces changements, avec un horizon de quinze ans pour les réaliser. Or, nous venons de franchir cette étape et très peu de progrès ont été réalisés. De plus, le temps presse.

Les objectifs de réchauffement à ne pas dépasser d’ici l’an 2100 sont sur le point d’être atteints avant que les enfants nés cette année ne deviennent adolescents. Combien d’autres saisons de récolte catastrophique comme celle que nous venons de vivre pourrons-nous encore supporter avant que notre système agricole ne cède ?

Les chaînes d’approvisionnement mondialisées sur lesquelles nous nous appuyons pour nos stratégies agroéconomiques et notre sécurité alimentaire sont sérieusement compromises. De plus, les bouleversements géopolitiques sur la planète sont tels que personne ne peut prédire l’état du monde l’année prochaine.

La triste réalité est que les quinze années écoulées depuis la publication du rapport Pronovost seront très difficiles à rattraper. Les changements préconisés auraient pu se faire progressivement, dans le respect des agriculteurs, de leurs investissements, de leur travail et de leurs craintes légitimes. La récente révolte des agriculteurs européens illustre à quel point l’urgence d’agir se heurte à la résistance normale, humaine, d’un mode de vie perturbé, fragilisé, en détresse.

Cependant, cela ne signifie pas qu’il n’y a rien à faire. Pour relever les défis mentionnés ci-dessus autrement que dans une posture de réaction après coup, il faut accélérer le rythme des adaptations déjà en cours et mener plusieurs chantiers majeurs de front. Mais cela ne suffira pas.

Il faudra d’abord une vision claire de là où nous voulons aller, qui tienne compte de l’urgence de la situation. Pour cela, il n’est pas nécessaire de réinventer la roue. La déclaration de la COP28 sur l’agriculture indique déjà pour l’essentiel la voie à suivre : primauté de la ferme familiale, diversification des modèles d’agriculture, soutien financier de la ferme comme entité plutôt que de certaines productions ciblées, virage agroécologique accéléré et accent sur l’autosuffisance.

Il faudra que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) reprenne le leadership et soit doté des fonds nécessaires pour guider et soutenir adéquatement les agriculteurs dans cette refonte de notre agriculture.

Il faudra également faire preuve d’un courage politique indéfectible sans lequel la mise en œuvre de ce qui précède ne pourra pas se réaliser.

Mais surtout, il faudra un effort colossal de communication pour rapprocher ces deux mondes que sont l’opinion publique, de plus en plus soucieuse de l’environnement et exigeante en matière d’aliments de qualité à bas prix, et les producteurs agricoles en proie aux dettes et à la recherche de productivité à tout prix. Cela est possible, cela s’est déjà produit, notamment lorsque le ministre Jean Garon, avec l’aide du premier ministre René Lévesque, a réussi à convaincre la population québécoise d’adopter la Loi sur la protection du territoire agricole il y a déjà 45 ans.

Dans un monde beaucoup plus complexe et polarisé qu’à cette époque, un leader, aussi compétent soit-il, ne pourra jamais y parvenir seul. Avec la crise qui se profile, car il y aura une crise, est-ce trop rêver que de souhaiter une mobilisation nationale menant à un grand compromis entre l’urgence environnementale et le respect de la réalité agricole, au nom d’une priorité supérieure, à savoir notre sécurité alimentaire et celle des générations futures ?